ça c'est fait !
C'était mon défi de ce début d'année, et quel défi !
Il fallait faire l'amour à Mouthe en ski de fond
( mais non !!! Lamoura - Mouthe 76 km ).
La transjurassienne , c'est la course de ski de fond la plus importante de France avec plus de 4000 inscrits sur les différentes distances. La plus prestigieuse et la plus difficile étant les 76
km en style libre avec plus de 2300 partants.
Habitant depuis quelques années dans le haut Doubs et à 10 km de Mouthe, c'est la course incontournable pour tout skieur motivé. Même si cela ne fait que 2 ans que je commence à faire
régulièrement du ski de fond , ma technique est quasi nulle et faire la transju n'était encore qu'un rêve.
Puis cette neige arrivée dès le mois de novembre m'a permis de m'entraîner régulièrement, de prendre un peu plus d'assurance, et je me suis dit : c'est cette année qu'il faut essayer.
Après 2 mois de préparation, et plus de 600 km d'entrainement avec mon coach et sparing partner ( Anthony ) me voilà enfin prêt à affronter cette course mythique.
La veille est consacrée au fartage , pour moi ce sera le gris pour la première couche et du orange fluoré pour la finition! Coup de chance , exactement ce qui est recommandé par les
spécialistes.
Dimanche, rendez vous 5H15 à Mouthe pour prendre la navette.
Après 2 H00 de route nous voilà arrivés à Lamoura. 2500 skieurs attendent le départ dans une bonne ambiance et une température bien supportable ( - 4°).
Mais il est tombé 10 cm de poudreuse dans la nuit et comme on dit dans le peloton " ça va brasser" c'est à dire qu'il va falloir skater dans une épaisseur de 10 cm de neige au lieu d'une
piste bien plate et glissante. Il va falloir forcer davantage sur les skis et les batons et lever plus haut les jambes, rien d'encourageant pour les crampes !
8h30 départ de la première ligne
cliquez ici pour voir le départ
c'est filmé avec ma caméra car je comptais filmer un peu de la course
mais finalement je n'ai pas eu le courage de la ressortir de la housse.
Pour moi cela sera 8H45 avec les novices de la 4ème ligne.
Grand coup de feu qui résonne dans la combe, les filets se lèvent et c'est parti !
Surtout protéger les bâtons pour ne pas les casser et éviter tous les obstacles ( skis , bâtons, chutes...).
Les 10 premiers km passent vite , les sensations de glisse sont bonnes, je double un peu dans les descentes ( ouf le fartage est bon!). La difficulté en ski c'est les dépassements et toujours
respecter les distances de sécurité pour ne pas taper le bâton d'un autre ou percuter les skis de devant. Il faut toujours rester concentré pour éviter la chute ou la casse de matériel.
Premier ravito à Prémanon, Il y a du choix mais cela est beaucoup plus technique qu'en course à pied car avec les skis, difficile de se frayer un chemin et puis avec les gants , pas facile
d'attrapper les verres et la nourriture. Enfin mon choix est fait cela sera comté et pain d'épice de Mouthe agrémenté d'un verre de thé et d'une boisson energisante. Je me tiendrais à ce régime
pour tous les ravitos.
20ème km passage dans les Rousses, belle ambiance et 2ème ravito. C'est le passage de la célèbre montée de l'opticien. En fait c'est une pente très raide de 200 m avec une foule importante
de chaque côté qui secoue les cloches et le speaker qui nous encourage ... très sympa.
Puis on enchaîne avec 10 km assez plat dans une combe , je trouve ça vraiment long les passages sans forêt et sans dénivelé mais la glisse est assez bonne et je rattrappe encore plusieurs
skieurs.
Au 30ème on s'offre une petite boucle de 10 km en suisse, et là je ne sais pas si c'est le changement de pays mais tout devient difficile, je trouve que mes skis ne glissent plus
et puis les jambes fatiguent et je sens "le coup de moins bien" arriver. Même le ravito du 40ème ne suffit pas à recharger toutes les batteries. Je sens les crampes se rapprocher dangereusement
de mes cuisses.
C'est fatigué et un peu démoralisé que je rejoins Bois d'Amont au 39ème km. Je profite du ravito avant la fameuse montée du Risoux annoncée comme la grosse difficulté de la course.
Dès les premiers mètres les crampes mordent mes ischios , ça yest je le redoutais et comme d'habitude il va falloir gérer la fin de course avec les crampes. Mais là il reste les 6 km
de la montée du risoux et plus de 35 km en tout .
Puis on doit s'arrêter net , la pente s'est fortement accentuée et on ne peux passer que un par un . Il faut donc attendre pendant 5 minutes à l'arrêt avant de débuter cette terrible montée.
Certains ronchonnent un peu mais pour moi cela arrive à point .
Et comme par magie ces 5 minutes de repos ont fait fuir les crampes et je ne les ressentirais plus jusqu'au sommet. Comme annoncée cette montée est très longue, il n'y a pas un bruit chaque
skieur se concentre sur ses gestes en essayant de s'accrocher à celui de devant ou de tenter de suivre celui qui essaie de doubler. C'est une succession de faux plats montant et de pentes un peu
plus raide. On croit toujours être au sommet, au dernier virage, mais à chaque fois, il faut relancer, s'accrocher dans une neige de plus en plus épaisse. La forêt est magnifique,
recouverte de presque un mètre de neige, il y règne un silence surprenant dans lequel on peut sentir la souffrance et la motivation de chaque concurrent .
Puis au détour d'un virage, on entend à nouveau des voix, ça y est c'est le ravito annonçant la fin de la montée. Près de 4H00 de course et là je me dis que le plus dur est fait !
En plus je sais que 5 km plus loin en bas de la descente je retrouve Patricia, les enfants et Anthony . ça c'est bon pour le moral !
Les descentes sont loin d'être des moments de repos, les virages sont dangereux, on aperçoit souvent un skieur à terre, mais impossible de s'arrêter. Alors juste un " ça va ? ", et on
continue. Et les crampes réapparaissent en bas de la descente .... trop crispé !
Enfin je vois Patricia et les enfants, je m'arrête 1 ou 2 minutes pour discuter, cela fait du bien de se sentir soutenu, mais je sens que la fin va être difficile, il reste encore 25 km.
Anthony s'est proposé de m'accompagner jusqu'à la fin en ski . Son aide et ses encouragements me seront précieux.
Car aussitôt reparti, les crampes reviennent en force et je suis obligé de m'arrêter pour tenter de m'étirer. Je passe en mode gestion des crampes ou plutôt de la crampe car contrairement à la
course à pied il n'y a que l'arrière de la cuisse droite qui est touché. Le reste supporte assez bien la course.
On enchaine les longues lignes droites , assez plates. Anthony m'ouvre le chemin et essaie de s'adapter à mon rythme assez lent et inconstant. Mais finalement les autres skieurs ne vont pas plus
vite et les kms défilent très lentement, trop lentement à mon gout.
La piste longeant souvent la route cela permet à Patricia et aux enfants de m'encourager très souvent. Les enfants courent à côté de nous en secouant leurs cloches , c'est amusant et
redynamisant. J'attends leur prochaine intervention avec impatience ( cela aussi ça aide à tenir).
Allez plus que 20 km , la combe des Cives après Chapelle des bois parait interminable, la bise s'est levée et souffle face à nous. Mon cerveau est maintenant déconnecté de mon corps. Je ne suis
plus en mesure de réfléchir, d'ailleurs heureusement car je m'arrêterai tout de suite. Je pense juste que chaque poussée de bâton me rapproche un peu de l'arrivée.
Anthony est toujours là et me protège un peu du vent ( j'aurrai bien aimé qu'il ait une carrure plus développée mais bon tant pis!). Son aide est de plus en plus appréciée .
On m'avait dit que la fin était plate ou descendante mais c'est faux.
La fin est dure , chaque bosse est un calvaire. Et puis à la fin de la combe des Cives ce n'est pas une bosse mais un pic. Une montée de presque 1 km avec des pourcentages importants. Je maudis
les organisateurs et serre les dents pour rester au contact d'Anthnony. Enfin nous rejoignons le pré Poncet. Patricia est là et l'on peut échanger quelques mots pendant le ravito,
puis les enfants courent pendant 200 mètres à côté de nous en secouant leurs cloches et en rigolant de leurs chutes dans la poudreuse.
Le moral remonte ! comme la piste malheureusement. Encore 2 - 3 bosses interminables puis c'est la descente sur chaux neuve.
On m'avait prévenu , c'est technique ! En fait quand on vous dit cela, il faut traduire c'est super dangereux ! En effet le centre de la piste c'est de la glace polie par le passage de
1000 skieurs appuyant à fond sur leurs cuisses pour freiner en chasse neige et sur le bord c'est 30 cm de poudreuse dans laquelle il est impossible de diriger ses skis.
J'aperçois sur la droite 2-3 skieurs recouvert de neige et essayant de se relever et sur la gauche une dizaine de skieurs qui ont préféré déchausser et qui descendent en file
indienne.
J'hésite mais c'est déjà trop tard, je suis dans la pente et le chasse neige est totalement inéficace sur le centre de la piste. Plus moyen de ralentir, une seule solution passer en force et
espérer que la chute ne soit pas trop grave.
Je choisis le passage dans la poudreuse , ce qui ralenti un peu mais empêche tout controle des skis. Les cuisses brûlent, le cardio doit être à 200, une skieuse est juste devant moi
et descend beaucoup moins vite.... j'attends la chute.
Je heurte son baton qui par miracle ne se bloque pas entre mes jambes, pas le temps de m'excuser j'enchaîne les virages comme je peux et arrive décomposé mais heureux en bas.
Je me retourne alors et n'aperçois plus Anthony, il doit être tombé. J'espère qu'il n'a rien car je ne peux pas remonter le voir. Puis après une trentaine de secondes il réapparait recouvert de
neige mais indemne. Ouf on va pouvoir finir cette sacrée transju !
Dernier ravito au bas du tremplin de chaux neuve et plus que 7 km normalement descendant. Mais la fatigue est bien présente , ce ne sont plus seulement les crampes mais aussi le coeur et tout mon
corp qui veut s'arrêter.
Les encouragements d'Anthony, l'envie de finir et la proximité de l'arrivée m'aide à passer les dernières difficultées et je vois enfin Mouthe.
Encore 1 km et j'aurai vaincu la transju.
Je décide de profiter pleinement des 500 derniers mètres , de chaque encouragement de spectateur, du soulagement dans les gestes et sur les visages des skieurs à côté de moi, de chaque
poussée de bâton me rapprochant de cette ligne tant convoitée...c'est magique !
La dernière ligne droite avec ses couloirs séparés par des branches de sapin pour permettre aux premiers de sprinter sans se gêner. C'est comme à la télé dans les grandes courses, d'ailleurs
c'est une grande course !
Je ne résiste pas à ce plaisir et je choisis le couloir de gauche pour sprinter et dépasser le skieur devant moi, ça y est, je suis champion du monde.
Pas tout à fait, mais j'ai fini la transju et c'est déjà pas mal.
La ligne d'arrivée franchie, l'émotion me gagne , je veux profiter de ce moment , je retiens mes larmes mais cet instant est tout de même fort , on repense à tous ces moments de souffrance,
d'effort , mais aussi et surtout de plaisir. La fierté de l'avoir fait, de s'être surpassé et d'avoir froler ses limites physiques du moment.
En fait je crois que c'était pour ce moment là que j'ai fait cette course
Grâce à l'énorme soutien d'anthony, (à l'entrainement mais aussi et surtout sur cette fin de course) , à la patience et au soutien de Patricia et aux encouragements
extraordinaires de Jules ,Tristan et Mélissa ....
je ne pouvais pas abandonner !
Encore merci à vous !
et à tous les cours tout doubs pour leurs messages d'encouragement avant et après la course.
Finalement avec 2129 arrivants :
je termine 1214 ème en 6 H 25 min et 30 sec
Un bon résultat qui devrait me faire gagner une ligne pour l'année prochaine
Mais çà c'est une autre
histoire.
Et bravo à vous pour être aller jusqu'au bout de cet article , certes un peu long .
Mais bon c'est pour se souvenir de tous ces moments plus tard, ou au moment de se réinscrire .